Peut-on réussir une entreprise en vivant dans un monde de bisounours ? Je vous avais dit qu’à travers le blog je souhaitais vous faire part de mes interrogations. En voici une. Je me pose cette question depuis longtemps mais encore plus depuis quelques semaines. En réalité, je suis loin d’être une bisounours, je suis plutôt tout le contraire, dans le sens où je ne crois plus en grand chose ni en grand monde. La vie est faite de belles rencontres mais aussi de mauvaises. Et souvent il est plus difficile de se relever d’une seule mauvaise plutôt que d’avancer grâce à des dizaines d’autres, aussi jolies soit-elles. Ca laisse des marques indélébiles. J’ai beau lutter, ça finit toujours pas revenir comme un boomerang. Avec tout ce que ça comporte comme doutes. Et ça m’empêche d’avancer vraiment. De croire un minimum en moi. Mais j’essaie, parce qu’on n’a pas le choix, il faut avancer. C’est la vie qui veut ça. Sinon autant se tirer une balle tout de suite… Alors je lutte, je m’accroche, je travaille dur, sur moi, en essayant d’aborder la vie sous un angle positif, et je travaille dur tout court. Sans compter mes heures. De toutes façons, quand on aime, on ne compte pas. Mon thé, c’est ma vie. Chakaiclub c’est mon ADN. Je la porte en moi comme on pourrait porter un bébé. J’essaie de la faire grandir, à ma façon, avec mes moyens, mes doutes, et avec ma vision des choses.

Et pour moi, entreprendre, c’est être authentique (et beaucoup d’autres choses, mais aujourd’hui, on va se contenter de ce point là…). L’authenticité est à mon sens une des premières qualités sinon la première que doit avoir tout entrepreneur. Seulement, l’authenticité et le marketing font rarement bon ménage. Et les histoires sont édulcorées à coup de storytelling à outrance. Trop d’artificiel tue le naturel. Mais souvent ce n’est pas le naturel qui revient au galop, mais bien l’artificiel. Parce qu’il faut vendre. Ah, voilà, j’ai dit le gros mot, mon gros mot. Parce qu’après plus de 3 ans, je n’ai toujours pas vraiment accepté que je « vends » du thé. Le thé, c’est ma passion, mon rêve, mon idéal. Alors vendre mon rêve, c’est un peu comme vendre mon âme au diable. Je l’assume un peu plus qu’avant mais pas complètement. Je voudrais offrir le thé comme je partage des conseils de préparation, des astuces.

Seulement voilà, la réalité est un peu différente et le monde fait que concrètement, on a tous des factures à payer à la fin du mois. Et je tiens trop à ma maison pour prendre le risque de la perdre un jour. C’est la maison de ma famille. En la reprenant au décès de ma grand-mère, j’ai réalisé mon rêve de gosse, donner une forme différente à cette maison tout en la gardant dans la famille. J’y ai des souvenirs merveilleux, « l’empreinte » des membres de ma famille, de nombreux symboles. Alors je ferai tout pour la garder, toujours. Et c’est la seule chose qui fait que j’accepte le fait de « vendre » mon thé. Et là, vous vous dites, wouah, elle, elle est irrécupérable (enfin, si vous avez lu jusque là). Je sais, je pars d’assez loin, mais je suis comme ça… J’ai essayé de me changer mais ça foire tout le temps… Je suis et resterai une espèce d’idéaliste. Avec beaucoup (trop ?) de principes et de valeurs. Sans doute incompatibles avec le monde du « business »… Je suis une passionnée de thé qui partage. Pas une e-commerçante.

Parce que quand j’entends des personnes me dire « ah mais moi je crois beaucoup en l’humain, j’ai des valeurs et j’aime m’entourer de gens qui ont les mêmes que moi, pour vivre de belles aventures humaines, construire de beaux projets, avec une éthique », je me rends compte en réalité que dès qu’il s’agit d’argent, et de mouiller le maillot pour l’équipe, aussi, accessoirement, il n’y a plus personne. Mais pour se regarder dans la glace et continuer sa petite vie, là, tout va bien.

Et parce que j’en ai marre de voir des discours marketing bien rodés mais qui oublient l’essentiel : il s’agirait peut-être d’arrêter de prendre le consommateur pour un blaireau ? Vous ne croyez pas qu’il ne se rend pas compte que d’une boutique à l’autre, les photos sont les mêmes, les compositions des thés aussi ? Vous ne faites même pas l’effort de prendre vous-même vos photos, votre touche personnelle quoi. Ca ne vous dérange pas de dire que ce sont vos créations, que vous avez fait un loooooong travail sur le thé, que vous êtes expert après un stage de yoga et méditation en Inde. Et puis vous prendre en photo à côté d’une théière pour faire genre « vous avez vu, je bois du thé moi, je suis passionné(e), je suis un(e) vrai(e) expert(e) ! », comment dire…

Etre authentique, vous ne croyez pas que ça vous aiderait un peu dans votre « business » ? Oui le storytelling c’est joli (enfin, ça dépend des fois) mais ça a ses limites non ? Ca ne vous dérange pas de prendre les gens pour des imbéciles et leur faire gober n’importe quoi ? Apparemment il ne doit y avoir que moi ça gêne. Sauf que moi ça m’empêche d’avancer alors que j’essaie d’être le plus transparente possible, humaine, sincère, juste moi en fait, avec mes défauts mais vous là, avec votre marketing à outrance, ça ne vous fait poser aucune question, tant que le tiroir caisse est bien rempli, le reste…

Alors certes, tous les entrepreneurs ne sont pas des menteurs, heureusement (j’ai une vision négative et écorchée certes mais j’ai aussi fait de belles rencontres et je connais des entrepreneurs « authentiques ») mais cette petite partie d’imposteurs là, me décourage vraiment.

Est ce qu’on peut espérer réussir une entreprise en ayant cette vision des choses, en n’étant pas vraiment prête à faire du marketing à outrance ? Est ce qu’on peut trouver un équilibre entre la réalité des chiffres (coucou les comptables) et son idéal de « créatif » ? Pour Chakaiclub, je suis à un tournant et je me pose ce genre de questions. Si vous avez deux minutes et l’envie de partager votre expérience, votre vision, avec une grande idéaliste, votre aide serait bienvenue ! Merci 😉