Le community management est de plus en plus à la mode depuis quelques mois. Pour faire le point sur cette discipline qui séduit les entreprises, je vous propose un point avec Benoît Faverial, community manager depuis cinq ans.

1-Tout d’abord, peux-tu te présenter ?
Bonjour à tous, je m’appelle Benoît Faverial, j’ai 28 ans. J’ai commencé par des études de langues et j’aurais continué sur Sciences Po si je n’avais pas été obligé d’arrêter. J’ai commencé par travailler en relation clients et un peu en qualité, avant de devenir presque par hasard, Community Manager il y a 5 ans. Depuis, j’évolue entre des postes de conseil en communication web, réputation d’entreprise, et Community Management.

2-Tu exerces le métier de community manager depuis de nombreuses années maintenant. Peux tu donner une définition du community management et m’expliquer comment celui ci a évolué ?
Il est vrai que le métier a sensiblement évolué depuis que j’ai commencé. Imagine toi dire à tous ceux qui le pratiquent depuis moins de deux ans que l’on pouvait être Community Manager alors que Facebook et Twitter n’existaient pas 🙂
Avant toutes choses, on ne peut pas véritablement parler d’évolution du métier de Community Manager si l’on ne parle pas d’évolution des mentalités de consommation et de relation aux entreprises.
Internet, en tant que media participatif de masse a donné la possibilité à tout un chacun de faire entendre sa voix sur tous les sujets qu’il souhaitait, la possibilité de propager un message sans que l’objet de celui-ci (dans le cas qui nous occupe, l’entreprise) n’ait le moindre contrôle dessus.
Bref, on est passés d’une situation où la communication était unilatérale, avec un message à destination de cibles, à une situation multipolaire où les messages d’une entreprise peuvent être repris, dénoncés, caricaturés, encensés … Par n’importe qui le souhaitant. Le Community Manager est né en réponse à cet état de fait.
Lorsque j’ai commencé à faire ce métier, les enjeux majeurs du poste étaient essentiellement de réputation. Pour caricaturer, si la première page de Google au sujet de mon entreprise ne disait que du bien, je faisais bien mon métier.
On peut rajouter des enjeux d’animation de la communauté présente, et de valorisation des contributions enthousiastes des membres, mais nous revenons au même objectif finalement : s’arranger pour que l’on dise le plus de bien possible de l’entreprise.

Au fil des ans, et surtout depuis ces deux dernières années, le Community Management tend à se focaliser sur des aspects d’animation et de promotion d’un produit ou d’une marque sur Internet. Il m’est arrivé d’entendre que le Community Manager était « un autre auxilliaire de vente », ou selon le titre qui commence à être évoqué ces derniers mois un « animateur de communautés ».

3-Que penses tu justement de cette évolution du community management ?
Deux choses. D’une part, elle était prévisible dans la mesure où il s’agit de la facette la plus simple et évidente du Community Management. Pas nécessairement dans sa mise en application, mais du moins, la facette que les entreprises appréhendent le mieux en l’état actuel des stratégies de présence et de communication. D’autre part elle est très risquée. Le Community Management est né du souhait des consommateurs de sortir de la logique « message > cibles » (86% des actes d’achats impactants sont précédés d’avis pris sur Internet nous dit Mediametrie au 4eme trimestre 2009) … Hors, lorsque l’on offre de l’animation de communautés, on retombe exactement dans les même schémas, en se servant d’Internet juste comme d’un media différent. Le risque est donc double : que les clients se désintéressent de la marque en se tournant vers ceux qui leur proposeront une offre plus personnalisée et plus authentique, et que ces mêmes clients assimilent Community Management et « auxiliaire de vente » …

4-Pour toi quelles sont les principales qualités d’un bon community manager ?
Beaucoup d’autres Community Managers se sont penchés sur le sujet, j’en retiendrais deux :
Pour les anglophones, la version de David « Historian » DeWald, résultat d’une longue discussion sur CMG, un groupe de Community Managers US où j’ai la chance de participer
Pour les anglophobes, la version de Martin Reed, que j’ai traduite sur mon blog.

5- Quelles sont les erreurs à ne surtout pas commettre pour un community manager ?
Croire que l’on peut faire du Community Management comme de la communication d’entreprise ou des relations publiques classiques. Croire tout simplement qu’il suffit d’adapter les même discours résolument positifs et « ultra bright » à Internet pour se constituer une communauté. Internet est un media où la crédibilité est un combat quotidien, où les membres d’une communauté peuvent ressortir des mois (ou des années) après un message s’ils ont trouvé un démenti, et ruiner la crédibilité d’un Community Manager.

Bref, avant toutes choses : rester honnête, peser ce que l’on dit, et vérifier ce que l’on dit. Une communauté peut entendre « Je ne sais pas, je vais me renseigner » … Et appréciera l’effort. Mais ne dois jamais pouvoir prendre le discours du Community Manager en défaut.

6-Quel est l’avenir du community management ?
Immense, évidemment ! 🙂 Nous sommes à une période charnière à beaucoup de niveaux où les désirs d’authenticité, de simplicité, d’honnêteté sont de plus en plus grands. Les consommateurs n’ont pas envie de rêve, ils ont envie d’information et de clarté. Le Community Management dans cette optique est une évolution naturelle de la communication stratégique et corporate.

7-Que conseillerais-tu à une entreprise qui souhaite investir les réseaux sociaux aujourd’hui ?
Je leur demanderais pourquoi. Beaucoup d’entreprises se créent une page Facebook et un compte Twitter pour « être là où ça se passe » et ensuite seulement se demandent ce qu’ils vont en faire. La réalité est que sans stratégie, ces espaces seront au mieux sous-utilisés, au pire risquent d’agréger des communautés volatiles et incontrôlables. Certaines superbes réussites existent, comme Michel & Augustin ou Ben & Jerry’s (Le & doit y être pour quelque chose !) et celles-ci ont en commun une stratégie réelle sous-tenante à leurs actions : la volonté de propagation virale de l’attachement à une marque dans le cas de M&A, et la volonté d’apparaitre comme « le glacier du coin » pour B&J (Ce qui avec plusieurs millions de fans aux dernières nouvelles est une prouesse !)

Bref : sachez ce que vous voulez y faire avant d’y aller.

8-Selon toi, dans quelles mesures aujourd’hui une entreprise a tout intérêt à recruter un community manager ?
Prenons le problème à l’envers : quelle entreprise peut se passer d’une veille internet constante, quelle entreprise peut se passer d’un relais de communication internet constant, quelle entreprise peut se passer d’une présence sur les réseaux sociaux et les plateformes collaboratives … ?
Un grand nombre d’entreprises ont tout intérêt à se doter d’un Community Manager. Seules celles qui peuvent se passer d’une présence Internet active n’en ont pas besoin.

9-Quels sont les réseaux sur lesquels une entreprise doit absolument être présente ?
Aucun. Pour le moment, Facebook et Twitter tiennent le haut du pavé, et certaines stratégies fonctionnent bien dessus. Est-ce à dire que toutes les entreprises doivent y être ? Non. Pourquoi le feraient-elles ? Une fois de plus, avoir une idée claire d’une stratégie de communication virale et de media sociaux est bien plus important qu’une présence sur un réseau ou un autre. Suivant la ligne stratégique établie, il sera peut être important d’être sur l’un ou l’autre, mais avant tout, il faut que l’entreprise sache où elle va.

10-Que conseillerais-tu à quelqu’un qui souhaite se lancer dans le métier de community manager ?
Beaucoup de courage, et une grande tolérance au café et aux heures supplémentaires 🙂 Le Community Management est un métier qui peut être éprouvant (Vous avez en face de vous des gens protégés par l’anonymat d’Internet qui peuvent dire tout et n’importe quoi, et à un moment ou à un autre, vous serez testé.) mais comme tous les métiers en prise directe avec des relations humaines, il est également souvent très gratifiant. Beaucoup de Community Managers que je connais (dont moi) vont faire un tour sur les plateformes de leurs communautés avec leur café matinal, juste pour voir « comment les choses évoluent » …

11-Combien de temps consacres-tu à ton blog et quelles actions entreprends-tu pour le faire connaître ?
Assez peu finalement. Lorsque je trouve une idée d’article qui me semble intéressant, je développe l’idée, et le reste du temps, je réponds à tous ceux qui me font le plaisir de commenter mes articles. Quant à le faire connaitre, je ne fais rien ! J’ai bien installé quelques petites choses qui optimisent sa visibilité sur Internet (Google en fait, soyons clairs) mais je préfère être lu par une audience restreinte et intéressée que par beaucoup de gens qui ne reviendront pas. Mon blog était à l’origine un support de formation pour l’équipe que je supervisais dans un précédent poste. Il a évolué par la suite en une plateforme de vulgarisation du Community Management, et un support d’échanges d’idées avec des confrères. Je ne m’en suis jamais réellement servi comme outil de promotion personnelle.

12-Le mot de la fin ?
Merci à toi pour cette interview, désolé pour les lecteurs d’avoir fait si long, promis, j’ai essayé de faire court, et à bientôt !

Vous pouvez retrouver Benoît sur son blog et sur Twitter : @BFaverial .

Je remercie chaleureusement Benoît d’avoir accepté de répondre à mes questions.