J’ai récemment découvert via Twitter qu’une classe de terminale bac pro vivait une « expérience » Twitter. J’ai commencé par lire le blog. J’ai voulu en savoir davantage. C’est pour cela que j’ai demandé à Laurence Juin, l’enseignante de cette classe, de répondre à mes questions. Rencontre :

1-Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Laurence JUIN, j’ai 36 ans. Je suis titulaire d’une maîtrise d’histoire contemporaine et du PLP2 lettres-histoire. J’enseigne le français, l’histoire-géo et l’éducation civique en lycée professionnel à La Rochelle.

2-Parmi vos élèves, vous enseignez à une classe de terminale bac pro commerce. Vous menez une expérience avec eux. Pouvez-vous nous expliquer en quoi elle consiste?
Cela consiste à utiliser Twitter comme support complémentaire à mon cours mais aussi hors du temps scolaire.

Sur le temps scolaire, Twitter est utilisé pour favoriser l’interactivité dans le cours : alternant cours classique et présence devant un poste informatique, l’élève devient acteur de son cours et pas seulement consommateur. Twitter est un support écrit qui demande une production d’écrit synthétique. Chaque tweet doit respecter les règles de communication, de grammaire, de syntaxe et d’orthographe qui sont les mêmes que pour une production classique en cours de français. Le niveau de langue doit être courant et je n’accepte que les abréviations classiques: le langage SMS est proscrit.

Hors temps de classe : Il est support à un soutien scolaire lorsque l’élève est demandeur. L’élève peut poser des questions sur tous les devoirs, exercices qu’il a à rédiger seul et je tweete en retour des pistes de réflexion. Twitter est aussi utilisé comme agrégateur de savoirs et d’ouverture culturelle: C’est un support complémentaire à mes cours. Je donne des liens vers des sites sur des thèmes abordés ou non en cours: faits d’actualité, informations, critiques de film… etc. Cette application est communautaire: les tweets viennent aussi des élèves. Ces échanges amènent à des débats, des discussions. Twitter permet ici de développer la communication verticale et horizontale: des informations de vie de classe qui sont diffusées en temps réel: je tweete (avec leur autorisation préalable) leurs notes d’évaluation au fur et à mesure des corrections avec des commentaires globaux sur l’évaluation. Là encore, des échanges se créent à partir de ces commentaires. Les élèves s’impliquent au delà de la note.

3-Pour quelles raisons avez-vous souhaité démarrer cette expérience ?
L’idée d’utiliser Twitter m’est venue, à l’origine, par le besoin de communiquer hors temps de classe. Je suis cette classe sur leurs deux années de bac pro et nous menons ensemble divers projets qui demandent l’implication, l’investissement et la communication élève-élève et prof-élève au delà du temps de classe. Nous avons commencé à utiliser Facebook mais ce réseau touche à leur vie privée. C’est pourquoi je les ai initié à Twitter qui reste un réseau social encore méconnu des adolescents et qui se restreint ainsi à une utilisation pédagogique.

J’ai vu ensuite en ce nouvel outil l’occasion d’ utiliser les TICE dans mes cours et comme support à ma pédagogie.

4-Comment avez-vous découvert Twitter et qu’est ce qui vous intéresse sur cet outil à titre personnel ?
Je l’ai découvert par une connaissance qui m’en a expliqué le fonctionnement. J’en avais vaguement entendu parler sans savoir réellement de quoi il s’agissait. Twitter est très simple d’installation et d’utilisation: une fois les codes de communication maîtrisés, l’usage est facile.

Twitter (mon compte personnel est totalement indépendant de celui utilisé avec mes élèves) m’apparaît comme un échange de savoirs, de compétences, d’informations très riches entre personnes. Chacun oriente son réseau selon ses besoins en maîtrisant ses abonnements. J’ai orienté ma Time Line sur plusieurs axes: professionnels, amical, social, culturel et sur la photo qui est une de mes passions. J’ai ainsi environ 320 abonnements Twitter qui me permettent d’échanger, de m’informer, de transmettre des savoirs et d’en recevoir selon ces axes.

5-Comment ont réagi vos élèves au début de l’expérience ?
C’est un groupe-classe naturellement curieux et réceptif à tout ce que je lui propose. Mes élèves ne connaissaient pas du tout Twitter mais s’y sont vite intéressés: ils aiment l’interactivité que l’outil permet en cours et le changement comparé à un cours « classique ».

6-Combien de temps consacrez-vous par semaine à Twitter dans votre classe ?
C’est très variable: Twitter n’est pas « obligatoire » et omniprésent lors de mes cours. Sur les 9 heures de cours que je partage avec cette classe sur une semaine, les élèves vont tweeter au moins sur une heure: ils tweetent les résultats d’une recherche documentaire, une production courte de français (excellent support pour des haïkus par exemple), ils font un live-tweet d’un documentaire vidéo que je leur montre etc.

Twitter est cité, utilisé à chaque cours puisque j’y fais référence (je mettrai l’information sur Twitter, j’ai mis un lien vers tel site, si vous avez des questions sur le devoir à rentre, tweetez les ..etc).

Hors temps de classe, j’utilise Twitter quotidiennement avec eux pour communiquer et comme agrégateur de savoirs.

C’est un outil qui me permet surtout sur et hors temps de classe de faire de l’éducation aux médias et aux réseaux sociaux du net: A l’heure de Facebook et de toutes les dérives que nous pouvons constater dans l’utilisation qu’ils en font, ça s’avère très utile. Twitter permet une utilisation pratique d’un réseau social du net qui rend l’éducation beaucoup plus concrète.

7-Que retirez-vous à ce jour de votre expérience twitterrienne ?
C’est une expérience que je mène au jour le jour avec mes élèves. Je ne partais donc avec aucune certitude sur les résultats potentiels. Cinq mois plus tard, Twitter est devenu un vrai réseau social de communication, de partages et transmission de savoirs de l’enseignant à l’élève et de l’élève à l’élève. C’est un « plus » à ma pédagogie. Pas un indispensable, je fais encore cours avec un cahier et un tableau. Mais Twitter a fédéré un groupe-classe autour d’une vraie identité numérique qui les propulse vers une réelle motivation en classe et en autonomie. C’est donc pour le moment une expérience tout à fait satisfaisante qui évolue sans cesse.

8-Est ce que cette expérience a changé votre vision de Twitter ?
Elle m’a surtout permis de tester bon nombre d’applications de cet outil que je n’avais pas encore exploré mais n’a fait que conforter ce que j’en savais déjà.

9-Qu’est ce qui vous a le plus surprise de la part de vos élèves ?
C’est très récent: je viens de constater qu’ils consultaient tous Twitter de façon très régulière (ceux qui n’ont pas internet personnellement le font au lycée) et que Twitter est désormais pour eux une vraie source d’informations sur la vie de classe. Ils m’ont montré que le réseau social est enfin actif (c’est une des caractéristiques de Twitter: le réseau est lent à mettre en place mais solide) à une période où je l’ai laissé naturellement fonctionné sans l’activer.

10-Que retirent-t-ils de Twitter à ce jour ?
Une expérience qui n’appartient qu’à eux,qui les fédère sur un outil pédagogique novateur, donc attrayant, et qui les éduque aux médias. Ils apprennent ainsi à maîtriser et utiliser de façon plus réfléchie leur sacro-saint Facebook.

11-Comment réagit l’équipe pédagogique à cette expérience ?
Quatre enseignants se sont crées un compte Twitter pour suivre et partager l’expérience avec les élèves. Ils l’utilisent soit comme moyen de communication soit comme outil de leur pédagogie en classe. Cette utilisation est encore restreinte mais ils sont attentifs à tout l’enrichissement que ça apporte à la classe.

12-Vous avez notamment tweeté en plein de conseil de classe. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je tweete les conseils, les informations générales données lors du conseil et je tweete par direct message les synthèses propres à chaque élève (donc non publiques). Les élèves assistent d’une certaine façon en direct au conseil de classe: ça entraîne une attention et une implication plus fortes de l’élève pour cette instance. Ca lui permet de réagir aussitôt et d’enclencher un dialogue sur ce qui été tweeté sur lui.

13-Le mot de la fin ?
Twitter en classe n’est pas une révolution pédagogique: c’est un outil complémentaire, un moyen pour que les élèves ne soient plus consommateurs mais acteurs de leurs cours et de leur formation.

Pour plus de détails au jour le jour de l’expérience : http://frompennylane.blogspace.fr/ et @frompennylane . Le twitter de la classe: @laderniereannee .

Je remercie chaleureusement Laurence Juin d’avoir accepté de répondre à mes questions. Cette expérience est très intéressante et je tenterai de faire des points réguliers sur son évolution. Je souhaite une très bonne poursuite d’expérience à cette classe de Terminale et beaucoup de réussite aux élèves dans leurs études !